LE SIEGE DE BELFORT (1870-1871)

 

La Tour de la Miotte bombardée

 

Pendant l'occupation. - les Allemands au Fort de la Miotte

 

La tour de la Miotte à Belfort aujourd'hui

La Tour de la  Miotte aujourd'hui aquarelle de Josèphe Gravier

(lien vers site des aquarelles de Josèphe)

 

Les légendes et contes du pays de Belfort écrites par Gabriel Gravier. (lien vers de site des légendes de Gabriel Gravier)

(Jean-Gabriel mon fils devant la Tour de la Miotte)

Extraits des pages 60 à 76,

Autrefois, et selon une antique tradition, les enfants de Belfort et environs naissaient au flanc de la Miotte, sous le rocher qui supporte la célèbre tour.

Puis, venus les temps modernes, seul survécut le souvenir de cette charmante et naïve légende.

Pour les Belfortains, la Pierre de la Miotte est un peu ce que fut aux Indiens d'Amérique le totem, << considéré comme l'ancêtre et par la suite le protecteur du clan >>( Dict. Le Robert). Mais si notre monument dégage un certain fétichisme, il exhale surtout un sentiment de force, de liberté; il symbolise la ténacité, l'esprit d'indépendance du pays; il en est le palladium, érigé depuis les temps immémoriaux, sur notre << Colline Inspirée >>

Mais quelles en seraient les origines, et d'où viendrait son nom?

Double question à laquelle se sont heurtées des générations d'historiens, dont les nombreuses hypothèses n'apportent pas une grande clarté. Rappelons tout cela brièvement.

La Pierre de la Miotte aurait d'abord été <<un monolithe, un menhir, de l'époque mégalithique, dressé là comme signe de ralliement pour les populations préhistoriques des environs >> ( Belfort revue municipale, n)20, 1970). Thèse invérifiable. Pour Raymond Schmittlein, << la Miotte était une pile ( tour en maçonnerie pleine) destinée à commémorer la victoire de César sur Arioviste >>(<< La première campagne de César contre les Germains >>. Savante proposition, qui s'appuie sur ces propos de Napoléon 1er, ce grand stratège : << l a bataille contre Arioviste a été donnée dans le mois de septembre et du côté de Belfort>>. Mais César, dans ses <<Commentaires>>, reste vague dans la localisation de cet événement (58 avant J.-C.), le quel << inaugura >> la conquête de la Gaule par les Romains. Si bien que l'on a rêvé à des tas de sites, de Cernay (H.-R) aux environs de Porrentruy (Suisse), de Gouhenans, à l'ouest de Lure, à Pfastatt, près de Mulhouse; tous des lieux situés au maximum à quarante kilomètres de Belfort.

Pour d'autres historiens, dont Corret, Trouillat, Liblin, etc., la Miotte serait une <<miette>>, un débris du château de Montfort, rival de celui de la Roche de Belfort. En vertu du traité de Grandvillars, passé en 1226 entre Frédéric II de Ferrette et Richard de Montbéliard, ce château fut rasé avant 1235. Et, en signe de réconciliation, Thierry de Montbéliard épousa Alix de Ferrette. Mais aucune des trois hypothèse énoncées ci-dessus ne peut être confirmée.

Pour avoir la preuve de l'existence d'une sorte de tour au sommet de la colline de la Miotte, il faut attendre 1427 (Stoffel, Dict. topographique du H.R.). La <<pile>>, devenue - ou n'ayant cessé d'être - une tour de guet, se trouve dès lors mentionnée, entre autres dates, en 1462,1475,1581,1683,1711,1719,1719,1724,1789. Restaurée ou réédifiée plusieurs fois au cours des siècles, la pile fut entièrement refaite en 1835.  C'était alors une véritable tour, que l'on munit d'un escalier intérieur en 1840. Bombardée par les Prussiens lors du siège de 1870-1871, elle s'écroula dans la nuit du 8 au 9 juillet 1873. reconstruite en 1875, elle << dura jusqu'au 18 juin 1940 ( date fatidique s'il en est!) où elle succomba à nouveau sous les coups des obus allemands >> (René Bermon, << Résurrection de la Miotte >> , opuscule de six pages ). Sous l'impulsion généreuse des anciens prisonniers de guerre de Belfort, la tour fut rebâtie en 1947, telle que nous la voyons aujourd'hui. Elle mesure 3,60 m x 4,80 m à la base, et s'élève à 9,90 m. Située à 450 m d'altitude, elle domine d'environ 100 m la ville de Belfort.

Venons-en à l'étymologie. Selon le Dictionnaire de Stoffel, notre <<pierre>> était appelée Mote en 1427 et 1475, Mutte en 1581, et Miotte en 1719. L'abbé Descharrières, arrivé à Belfort en 1775, la nomme la Pierre Muette. Le terme muete, que l'on trouve chez les auteurs du Moyen-Age, et qui semble venir du bas-latin muta, eut d'abord le sens de guerre,  bataille, de troupe au combat, puis il fut appliqué à la chasse et désigna la meute.

IL resterait beaucoup à dire, sur notre chère et attachante Miotte. Mais il nous faut terminer. Et comme nous sommes en France, et même à la porte de France (ou de Bourgogne, ou d'Alsace), finissons par des chansons. D'abord, ce sonnet à la gloire de la Miotte, par Juliette Mange :

Depuis que le Passé, dans un élan de pierre,

Poussa vers l'infini son cri de liberté,

Tel un guerrier debout au seuil de la cité,

Elle parut veiller, épiant la frontière.

Un jour, on ne vit plus, de la Tour familière,

Se dresser sur le ciel la sombre majesté,

Et sous le pied brutal du reître détesté,

La ville, pour un temps, plia son âme altière.

La puissance du mal peut briser la matière,

Au fond des coeurs meurtris, vigilante lumière,

Tant que subsistera la volonté d'effort,

Rejaillira sans fin la force retrouvée!

La Tour, trois fois détruite et trois fois relevée,

Symbolise ton âme indomptable, ô Belfort!

 

Et pour finir, voici la chanson des Enfants de la Pierre de la Miotte, l'hymne de Belfort :

 

O monument d'une antique mémoire,

Des Belfortains à jamais vénéré,

Tu fus témoin de plus d'une victoire

Et du dieu Mars et du dieu Cythéré.

Tous nos aïeux, même avant Hérodote,

Se sont unis dans ces riants vallons.

Nous sommes donc de la Pierre de la Miotte,

Les petits rejetons, les petits rejetons.

 

Ces lieux chéris, cette paisible ville,

De l'étranger charment tous les loisirs;

Car la fillette, bien douce et bien gentille,

N'est pas toujours ennemie des plaisirs.

Tous les printemps, le chant de la linotte

Répète encore aux amis, aux tendrons,

Vivent à jamais de la Pierre de la Miotte

Les petits rejetons, les petits rejetons.

 

Brave aux armées, digne de la victoire,

Le Belfortain brille dans les combats;

Il fut souvent couronné par la gloire,

Pour le pays, arme toujours son bras.

C'est de Henri le vrai compatriote;

L'honneur français s'anoblit de son nom,

C'est qu'il est bien de la Pierre de la Miotte

Le noble rejeton, le noble rejeton.

 

Compatissant, secourant la misère,

Aux étrangers prodiguant des secours,

Son tendre coeur comme celui d'un père

A l'indigent il donne tous les jours;

A l'infortune il donnerait sa cotte

Pour le tirer des cachots, des prisons;

Ce sont bien là de la Pierre de la Miotte

Les nobles rejetons, les nobles rejetons.

 

 Extrait de "Si Belfort m'était chanté" de Gabriel Gravier 

 

Miotte et Miottains

Colline que Belfort a toujours vénérée,

Ton renom légendaire et si mystérieux,

Transmis par la parole et le chant des aïeux,

Viendrait d'une bataille héroïque et sacrée...

 

Comme, au pays lorrain, la Colline inspirée

Est l'hôte d'un esprit mystique et religieux,

Tu reçois les vertus, l'âme des glorieux

Défenseurs de la Ville et de notre contrée.

 

Elles vont refleurir en nos petits Miottains,

Qui préfèrent venir à la vie en ton sein

Plutôt que dans les choux ou les nids de cigognes;

 

Car - ils doivent le savoir - César et ses légions,

Les guerriers de Montfort, Denfert et notre Lion

Protègeront toujours la Porte de Bourgogne!

                                          Gabriel Gravier